« C’est à l’intersection des différentes compétences, en dehors et à la frontière des cases que de nouvelles choses intéressantes émergent »   M. Lévy-Provençal

Il n’aura fallu que quelques minutes pour me convaincre que la complémentarité des expertises est véritablement cruciale pour la médecine de demain. Acceuilli au Centre de Recherches Interdisciplinaires (CRI), je suis directement plongé dans un projet impliquant des chercheurs en sciences humaines, en sciences de l’ingénieur et des “end-users”. Comment améliorer les dispositifs de formation des praticiens à travers la simulation et les environnements virtuels dans le milieu hospitalier ? Rencontre avec Daphné Michelet, chercheuse à l’Agence Nationale de la Recherche (ANR).

La scène ilustre l’importance de l’interdisciplinarité pour l’analyse et l’optimisation de l’UX1 des Praticiens. Alors que l’étude de l’eXpérience usager fait aujourd’hui davantage référence au client ou à l’usager d’un produit ou service, l’UX dans le monde médical, d’un côté ou de l‘autre de la blouse – patient ou praticien – se fait une place dans une univers où on ne l’attendait pas nécessairement. L’IA2 participe à la mise en valeur de l’eXpérience dans ce domaine et certaines start-ups proposent désormais des solutions pour accompagner les praticiens hospitaliers dans leur travail au quotidien.

Comment évaluer les soft-skills des praticiens hospitaliers ?

« Des rétro-actions qui permettent d’adapter la simulation via l’IA »

 

La scène que j’évoquais précédemment permet d’y répondre : une chercheuse de l’ANR, un ergonome et une sage-femme pour étudier le comportement du praticien dans une situation à haut niveau de stress. Est-il possible d’évaluer et d’entraîner les compétences techniques et non-techniques des praticiens hospitaliers dans un serious game?

L’apprenant est plongé dans une situation réelle simulée au cours de laquelle il réalise une intervention médicale dans un milieu hospitalier entouré de tout le matériel nécessaire (en état de fonctionnement !)

Un système de « rétroaction adaptative » permet d’optimiser la simulation selon chaque cobye. Pour ce faire les systèmes Illumens et Medusim reposent sur le modèle du feedbackloop : divers types de signaux sont captés sur le praticien au cours de la simulation pour faciliter la rétroaction vis-à-vis de l’apprenant. Au fur et à mesure de l’expérience Daphné et son équipe consultent plusieurs indicateurs/messages :

  • Les logs du « joueur » : combien de fois il se connecte à son interface pour accéder à des informations d’aide à la décision.
  • Eye-tracking : analyse du comportement occulaire du praticien pour détecter des signaux faibles : stress, concentration, leadership, etc.
  • Un questionnaire d’auto-évaluation post-simulation.
  • Le cardio-fréquencemètre : excellent indicateur de l’état émotionnel de l’apprenant.
  • Pour finir, une analyse vidéo afin de décortiquer la scène dans ses moindres détails.

 

L’objectif : comprendre le comportement du praticien et déterminer les axes d’amélioration de la formation et de soft-skills de ce dernier.

 

 

La place des start-ups et de l’IA ?

Un algorithme et une interface ont été développés par la start-up ILUMENS (à l’origine notamment de plusieurs outils de simulation médicale) pour accompagner cette équipe pluridisciplinaire.

La collaboration avec cette start-up de l’e-santé permet de plonger la sage-femme dans une simulation très réaliste pour évaluer son comportement dans une situation anxiogène : l’hémorragie – grave – d’une femme au cours de son accouchement. Un manequin bien entendu. La gestion de ce type de situation ne requiert pas seulement des compétences métiers techniques et procédurales – Hard skills – mais également un ensemble de compétences non techniques qui ont trait à des « savoir être » (communication, leadership, etc.) – Soft skills. Ces dernières compétences sont étudiées et modélisées au cours du projet. Il se décompose en trois étapes :

  1. Analyse des datas liées aux comportements du praticien
  2. Adaptation de la complexité de l’expérience simulée
  3. Facilitation des rétroactions vis-à-vis de l’apprenant

L’objectif : concevoir une plateforme d’apprentissage et des environnements de simulation / réalité virtuelle.

Pour faire évoluer la médecine certains choisissent de s’entourer d’experts aux compétences diverses et complémentaires. C’est ce que promeut le CRI de Paris où se retrouvent des chercheurs de divers horizons pour travailler sur des problématiques nouvelles ou pour en appréhender d’anciennes sous un nouvel angle. L’avènement de l’IA et du digital apporte cette fraîcheur essentielle à nos scientifiques pour leur permettre d’exprimer tout leur potentiel et surtout pour favoriser l’interdisciplinarité. De nouveaux partenaires, de nouvelles visions, les équipes qui se forment au CRI représentent une immense opportunité pour la médecine de demain. Plus largement, ces nouvelles approches ouvrent la voie à des champs de recherches encore méconnus.

 

Si le projet MacCoy4 soutenu par Daphné Michelet et son équipe permettra d’approfondir les connaissances sur les soft skills de gestion des situations critiques pour plus de sécurité et de confort pour les patients et praticiens, d’autres projets révolutionneront bientôt l’industrie et l’éducation.

Plus que jamais l’interdisciplinarité est au carrefour des différents domaines de recherches. C’est dans la différence de leurs approches et de leurs méthodes que les chercheurs trouvent les leviers pour faire évoluer leur domaine.

C’est ainsi que 2018 devrait voir naître certaines de ses plus belles avancées technologiques et médicales.

 

 

1 User eXpérience

2 Intelligence Artificielle

3 Les Serious Games (ou jeux sérieux) sont des applications développées à partir des technologies avancées du jeu vidéo qui dépassent la seule dimension du divertissement.

4 Modèles pour une réAlité virtuelle enriChie par rétroaCtion adaptative et Orchestration pour favoriser l’apprentissage de compétences non-techniques en situations critiques

 

 

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